- Lieutenant René Fonck
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 31 mai 1915 (brevet n°1010)
- Cité dans le communiqué aux armées du 3 juin 1917
- Escadrilles SPA 103, C 47
- Né le 26/03/1894 à Saucy-sur-Meurthe
- Mort le 18/06/1953 à Paris (Mort naturelle)
Décorations
- Officier de la Légion d’Honneur
- Médaille Militaire
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Croix de Guerre
26 palme(s)
1 étoile vermeil
Profils
René Fonck
L’as des as
75 victoires sûres, 32 victoires probables
Palmarès détaillé »
Paul René Fonck nait le 26 mars 1894 à Saulcy sur Meurthe, près de la « ligne bleue des Vosges » où se trouve la frontière avec l’Alsace annexée par l’envahisseur prussien en 1871. Il vient d’un milieu modeste puisque son père est ouvrier menuisier ; deux sœurs vont venir au monde après lui en 1897 et 1898. Mais un drame va frapper la famille Fonck quand son père meurt dans un accident au mois de juin 1898. Le jeune René, âgé de 4 ans, va être confié aux bons soins d’un oncle habitant Nancy qui le place dans un pensionnat religieux de la ville, à la discipline toute spartiate, dont il sort en 1904 pour retourner chez sa mère et rapidement entrer dans la vie active comme ouvrier, où il se fixe comme apprenti-mécanicien. Comme nombre de jeunes hommes de sa génération, et particulièrement ceux travaillant dans la mécanique, il est très attiré par l’aviation qui reste un loisir hors d’atteinte pour un homme de sa classe sociale.
Mais la guerre va lui donner l’opportunité de réaliser son rêve. N’ayant pas effectué son service militaire quand débutent les hostilités, il est appelé le 22 août 1914 et se porte volontaire pour servir dans l’aviation, où il est accepté en tant que mécanicien mais va se retrouver à effectuer ses classes au 11e régiment du génie où il va passer cinq mois à effectuer des travaux pénibles de terrassement en Moselle. Nommé caporal au terme de ses classes, il reçoit le 15 février 1915 l’ordre de gagner l’école de pilotage de St-Cyr (Versailles) d’où il gagne l’école de Lyon puis du Crotoy, et dont il sort breveté sur Caudron G.3, étant ensuite affecté en juin 1915 à l’escadrille C 47 stationnant dans les Vosges, près du domicile de sa mère.
Il va effectuer sur cet appareil ses premières missions sur le versant allemand des Vosges, réalisant à l’occasion des missions de bombardement, essuyant des tirs de DCA et croisant la route de quelques avions allemand qu’il tente d’attaquer. Passé sur Caudron G.4 bimoteur, son escadrille est ensuite envoyée au camp de Suippes en août 1915 d’où elle va participer à la bataille de Champagne, puis migre dans l’Oise en novembre 1915 et participe ensuite à la bataille de la Somme durant l’été 1916. Pilote très doué selon plusieurs témoignages, le caporal Fonck est aussi fasciné par le combat aérien au point de placer une mitrailleuse fixe sur le plan supérieur de son appareil qu’il peut utiliser comme un chasseur. Il utilise ce dispositif avec succès le 6 août 1916 en contraignant un biplace allemand à se poser dans les lignes françaises ou il est capturé. Décoré de la médaille militaire, Fonck, promu au grade d’adjudant, retourne en Champagne avec son escadrille en janvier 1917 et va participer au mois de mars suivant à l’attaque sur le Chemin des Dames. C’est à cette occasion que, le 17 mars 1917, Fonck va participer à son plus dur combat. Volant de conserve avec un autre Caudron G.4 et escorté par un chasseur Nieuport, il va être attaqué par 5 chasseurs Albatros D.III dont il parvient à esquiver les coups. L’un des appareils ennemis va lui être homologué : cette deuxième victoire officielle le désigne pour être muté dans la chasse.
Il rejoint alors le célèbre groupe des Cigognes (GC 12) le 25 avril 1917 où le commandant Brocard le reçoit en lui indiquant que « Ici, il faut absolument descendre des boches ». Affecté à l’escadrille SPA 103 sur chasseur SPAD VII, il va vite se révéler comme un chasseur hors-pair en abattant un appareil le 5 mai, un autre le 11 et un autre le 13, ce qui lui fait atteindre le total de 5 victoires homologuées qui lui donnent l’honneur de voir son nom figurer au communiqué aux armées du 3 juin 1917.
La suite de la guerre est pour Fonck une suite ininterrompue de victoires aériennes jusqu’à l’armistice, atteignant le total de 75 victoires homologuées ce qui fait de lui l’as des as de la chasse française et alliée, n’étant dépassé du côté allemand que par Manfred von Richthofen et ses 80 victoires.
Tout est fait en escadrille pour donner à Fonck tous les moyens de donner libre court à son art : il est immédiatement doté des meilleurs appareils, recevant le premier SPAD XIII de l’escadrille en septembre 1917, ayant à sa disposition deux SPAD XII-Canon début 1918 et finissant la guerre avec un des tout premiers SPAD XVII à moteur 300 ch en septembre 1918. Ses chefs d’escadrille, les capitaines Jean d’Harcourt puis Joseph Batlle, mettent toujours à sa disposition entre 2 à 4 équipiers pour couvrir ses arrières quand il patrouille sur le front pour pouvoir tirer les appareils ennemis en toute quiétude. Sa tactique est simple : volant à haute altitude sur un appareil à hautes performances, il bénéficie d’une acuité visuelle très développée qui lui permet de repérer l’ennemi avant tout le monde. Il pique sur sa cible à grande vitesse et, doté d’un talent exceptionnel pour le tir, l’abat de quelques cartouches en une seule passe, ne se hasardant jamais en combat tournoyant. Comme le souligne l’as Maurice Boyau, dans ces conditions, « il n’y a jamais de riposte ». L’as jouit d’une grande autonomie : il refuse de s’attaquer aux Drachen ennemis, une tâche qu’il estime trop dangereuse, et va être dispensé d’effectuer les missions d’attaque au sol demandées à tous les pilotes lors de des offensives allemandes de printemps pour tenter de ralentir l’avance ennemie.
Les médias vont s’intéresser à son cas à la fin de l’année 1917 où, après la mort de l’as des as Guynemer, il est bien lancé sur la liste des prétendants au titre, l’obtenant au mois de mars 1918 quand il dépasse l’as Charles Nungesser. Cependant, si Fonck est un virtuose en l’air, il l’est beaucoup moins au sol, étant décrit comme timide, bègue et paradoxalement assez vantard. Son chef d’escadrille Batlle le décrit surtout comme un petit ouvrier frustre et sans éducation (« un ouvrier serrurier d’un patelin des Vosges ») très mal à l’aise parmi une masse de pilote issus pour leur part de la bourgeoisie ou de l’aristocratie. L’interview qu’il donne à la revue « La guerre aérienne illustrée » en est particulièrement révélatrice car il n’hésite pas à critiquer le style d’autres as, vivants ou morts, et c’est avec mille précautions littéraires que le journaliste Jean Dacay présente ses propos…
Son nouveau statut de héros national attire l’attention du chef du gouvernement Georges Clémenceau qui veille à mettre en valeur ses exploits pour soutenir le moral d’une population et d’une armée gagnées par le découragement après des années de guerre. Au moment de l’armistice, le lieutenant René Fonck est au sommet de sa gloire. Malheureusement, le reste de sa vie sera bien moins glorieux et constitué d’une succession d’échecs.
Restant à son escadrille jusqu’en avril 1919 et affecté au centre d’essais de Villacoublay, il est le porte drapeau de l’aviation française et participe à de multiples manifestations officielles célébrant la victoire. Mais il va vite quitter l’armée : il est enrôlé en politique par Clémenceau qui l’incite à se présenter aux élections législatives sur une liste d’un parti de centre-droit dans une circonscription des Vosges. Il est élu grâce à la vague « bleu horizon » qui porte une majorité de droite à l’assemblée nationale dont il devient à 25 ans le benjamin. Fondant une société de construction automobile et découvrant la grande vie de la capitale, le serrurier des Vosges s’investit dans son rôle de député et va faire plusieurs interventions à l’assemblée concernant l’aviation, écrire deux ouvrages synthétisant ses idées et ambitionne même de devenir ministre… Mais ce ne sera pas le cas : il va être battu aux élections de 1924 et doit quitter l’assemblée.
Sans revenus car son affaire automobile a dû fermer ses portes, il accepte une mission de représentation de l’aviation française aux Etats-Unis en 1925 et découvre à cette occasion le bimoteur Sikorsky S-35 dans son usine, conçu pour traverser l’Atlantique à l’instigation de la société Argonauts Inc. Fonck va proposer ses services à cette société qui s’empresse d’accepter en raison de la publicité qu’il donnera à l’entreprise… Mais la collaboration va s’avérer des plus tumultueuses en raison des exigences de Fonck, qui impose notamment de modifier l’avion en l’équipant de 3 moteurs français. Trop confiant en lui, Fonck laisse installer des équipements luxueux dans l’appareil qui l’alourdissent inutilement. Pressé par des projets concurrents qui menacent de lui ravir l’exploit de réaliser le premier New-York/Paris, il part précipitamment le 21 septembre 1926 mais l’appareil, surchargé, s’écrase au décollage, tuant deux des quatre membres d’équipage. Fonck y survit indemne et doit affronter une avalanche de critiques. Il va rester aux Etats-Unis pour effectuer une nouvelle tentative sur un autre appareil mais d’autres aviateurs, dont Lindbergh, réussissent avant lui.
Il rentre alors en France en mars 1928 et, sans emploi, va tenter de se relancer en politique en retrouvant un mandat de député. Il sera battu à toutes ses tentatives, aux élections générales de 1932 et à une législative partielle en 1933. Il se rapproche de l’armée de l’air qui lui confie des missions d’inspection et lui permettent d’obtenir des revenus. Alors que les nazis prennent le pouvoir en Allemagne et que les persécutions antisémites commencent à être connues, Fonck chante dans la presse des louanges à Hermann Goering, ancien as de la chasse allemande devenu adjoint d’Hitler, qu’il présente comme un ami. Craignant d’énormes pertes civiles suite à des bombardements, il va adopter des positions publiques pacifistes.
Quand éclate la seconde guerre mondiale, il a pris la présidence d’une association destinée à éduquer la population civile sur les mesures de sécurité à prendre en cas d’attaque aérienne. Colonel de réserve, il est nommé inspecteur général de la chasse et effectue la tournée des escadrilles pour remonter le moral des pilotes pendant la drôle de guerre, participant à des remises de décoration.
Peu après la débâcle et l’armistice, on le retrouve à Vichy où ses décorations et son prestige lui ouvrent la porte du premier cercle du maréchal Pétain qu’il admire. Utilisant son amitié personnelle avec Hermann Goering, Pétain va l’utiliser comme messager officieux dans toutes ses tentatives de négociation avec le premier cercle du pouvoir nazi en court-circuitant l’ambassade allemande à Paris dirigée par Otto Abetz. Un rôle d’émissaire secret que Fonck va effectuer non sans déplaisir, mais sans en avoir les qualités : très vantard, il répète volontiers tout ce qu’il entend à Vichy lors de ses passages à Paris et sert en fait, involontairement, d’informateur aux services d’Otto Abetz… Chassé de Vichy au printemps 1942 par Darlan contre lequel il a tenté de comploter, il reste à Paris et va rendre quelques menus services à la résistance et être brièvement incarcéré par la Gestapo en 1944.
Incarcéré à la Libération pour avoir été un collaborateur de Pétain, il est libéré trois mois plus tard sans condamnation ni jugement. Il ne va rien regretter de ses années au service du Maréchal Pétain au point d’être un des témoins-clés présentés par Me Isorni, l’avocat du Maréchal, lors de sa tentative de révision du procès de ce dernier en 1950 : Fonck dit préparer un livre de témoignage et présente l’entrevue de Montoire comme une rencontre diplomatique où Pétain et Franco se seraient entendus pour victorieusement refuser les exigences du Führer, reparti bredouille. Ces révélations font un certain bruit et sont même commentées par la presse mais n’impressionneront pas la Haute cour de justice qui rejettera le pourvoi. Le livre de Fonck ne sera jamais publié, le récit qu’il y fait de Montoire tenant d’ailleurs plus de la fable que de la réalité historique à l’examen des archives.
Sa réputation ternie par son engagement à Vichy, il est largement oublié par ses contemporains et son décès, survenu le 18 juin 1953 d’une rupture d’anévrisme à son domicile, ne donnera lieu qu’à des hommages officiels très discrets.
Sources
- "Fonck, de la lumière à l’ombre". Biographie détaillée de René Fonck par David Méchin, parue dans le Fana de l’aviation n°518 à 522 (janvier à avril 2013).
- Dossier individuel SHD de René Fonck, ainsi que de nombreuses sources documentaires listées dans l’article précité.