- Lieutenant Jean Romatet
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 8 novembre 1917 (brevet n°9785)
- Cité dans le communiqué aux armées du 0000
- Escadrilles SPA 165, SPA 76
- Né le 23/05/1893 à Borgo (Haute-Corse)
- Mort le 15/05/1975 à La Bazoche-Gouet (Eure-et-Loir) (Mort naturelle)
Décorations
- Chevalier de la Légion d’Honneur
-
Croix de Guerre
6 palme(s)
1 étoile vermeil
1 étoile(s) d'argent
Jean Romatet
7 victoires sûres (dont 1 drachens), 0 victoires probables
Palmarès détaillé »
Jean Charles Romatet naît le 23 mai 1893 à Borgo, en Corse, après un frère ainé. Il n’est pas issu d’une famille de l’île de beauté et semble avoir ses origines du côté des Pyrénées, car son père Robert est un modeste brigadier à cheval de gendarmerie, qui sera promu maréchal des logis en 1896 tout en étant affecté à diverses gendarmeries en Corse. Monsieur Robert Romatet prend sa retraite au tournant du siècle et s’installe à Marseille avec sa famille, où ses deux fils réussissent de brillantes études jusqu’au baccalauréat au lycée de Marseille. Jean Romatet réussit en 1912 le concours d’entrée à la prestigieuse école militaire spéciale de St Cyr à la grande fierté de son père et à l’initiative de ce dernier obtient une bourse avec trousseau pour ses études. Il effectue alors une année de stage dans la troupe à compter du 10 octobre 1912 au 8e régiment de chasseurs à cheval à Auxonne, puis intègre l’école avec le grade d’aspirant.
Sa formation militaire est écourtée par la guerre lui le renvoie le 12 août 1914 au 8e régiment de chasseurs à cheval, avec le grade de sous-lieutenant. Il participe alors aux premiers engagements de son unité dans la Meuse, participe à la bataille de la Marne et aux combats sur l’Yser. Il combat ensuite en 1915 sur divers points du front alors que celui-ci est stabilisé et rend l’emploi de la cavalerie inutile. Promu au grade de lieutenant mais sans doute rebuté comme nombre de cavaliers de cette vie de fantassin, il se porte volontaire pour l’aviation où il finit par être accepté au mois de décembre 1916 en tant qu’observateur.
Il est alors affecté à l’escadrille N 38, une escadrille d’armée comprenant des biplaces pour les reconnaissances dites stratégiques et suit un stage de tir à l’école de Cazaux. Après près de six mois de missions de reconnaissance sur le front menée à partir du terrain de la Noblette, le lieutenant Jean Romatet souhaite prendre lui-même les commandes et se porte volontaire pour être pilote.
Il gagne alors les écoles de pilotage d’où il sort breveté et affecté le 22 février 1918 à l’escadrille SPA 76 stationnant à Royaucourt, près de Montdidier, sur le front de la Meuse. L’unité stationne près de Reims quand ont lieu les premières offensives allemandes du printemps, puis sera affecté dans le secteur de Verdun loin du secteur des combats. Ce n’est que le 28 mai 1918 qu’elle est envoyée près de Compiègne au cœur de l’action et c’est précisément ce jour où le lieutenant Romatet obtient sa première victoire homologuée en contraignant à se poser dans les lignes françaises un biplace LVG C qui est capturé. Il remportera 3 autres victoires jusqu’au mois de juillet, dont deux biplaces capturés. Quand vient le temps des contre-offensives alliées, il est désigné pour recevoir en tant qu’officier d’active le commandement d’une nouvelle escadrille de chasse, la SPA 165, qui se forme de 2 août 1918. Menant ses jeunes pilotes au combat, il va remporter trois nouvelles victoires à quelques mois de l’armistice.
Après l’armistice du 11 novembre 1918, le lieutenant Jacques Romatet reste dans son unité et va poursuivre sa carrière dans l’armée d’active. On lui confie le commandement de la SPA 85 le 13 mars 1919 où il reste qu’un mois avant d’être affecté à l’entrepôt spécial n°2 à Nanterre comme chef du service des moteurs, puis au ministère de la guerre à la direction de l’aéronautique le 1er juillet 1920 où il est chargé du service des renseignements. Promu capitaine le 25 septembre 1921, il retourne en unité le 25 mars 1922 au 2e régiment d’aviation et intègre le 12 septembre 1923 l’état-major particulier du maréchal Fayolle – brièvement, car il est affecté au 33e régiment d’aviation à la fin de l’année 1923. ll se marie le 27 avril 1925 à Clermont-Ferrand avec Mlle Andrée Pommier dont il aura 3 enfants. Passant par divers postes où il est toujours très bien noté pour sa grande culture générale, il est promu commandant le 25 décembre 1927 obtient son brevet l’état-major à l’école de guerre après deux années d’études en 1928 et 1929. On le retrouve au mois de juin 1930 comme officier adjoint au secrétariat général du ministère de l’air. Puis, de la fin de 1932, où il est promu lieutenant-colonel, il est nommé chef de l’aviation d’Afrique Équatoriale Française où lui succèdera le célèbre Pelletier-Doisy au mois de juillet 1934. A son retour d’Afrique, Romatet est nommé 2e sous-chef de l’état-major de l’armée de l’air, poste stratégique où il approche les plus hauts niveaux de décision de son arme à une époque où la crise économique et politique frappe la France.
A la veille de la seconde guerre mondiale, le 15 mars 1939, il reçoit ses étoiles de général de brigade aérienne le 15 mars 1939 et se retrouve en 1940 à la tête du groupement de chasse 23 dont le PC est à Laon, regroupant les GC III/2, III/7, II/2, I/3 et l’ECMJ I/16, qui doit supporter tout le poids de l’offensive allemande. Ses unités, majoritairement dotées de Morane 406 inférieur techniquement aux avions allemands, vont subir de lourdes pertes face aux Messerschmitt tant en l’air qu’au sol. Mais dans ce déluge de feu qui s’abat sur l’aviation française, force est de constater que l’échelon du commandement a une certaine part de responsabilité dans la défaite… Le 17 mai 1940, alors que les Panzer exploitent la percée de Sedan, le général de Romatet ordonne au groupe de chasse I/1 de participer à une mission de couverture sur la région de Montcornet où les blindés du colonel De Gaulle tentent une contre offensive. Le GC I/1 dépend du groupement 21 en charge de la défense de Paris et du bassin de la Seine. Le général Pinsard, à la tête de ce groupement, annule cet ordre et rappelle que l’unité est sous son commandement et que lui seul peut décider de son emploi. Les chamailleries de ces deux généraux devront être arbitrées au plus haut niveau, donnant raison à Romatet. Mais pendant ce temps, les Panzer ont poursuivi leur chemin…
Après le désastre de 1940, l’armistice signé ne laisse aucun avenir à l’armée de l’air qui doit être dissoute. Mais les évènements de Mers-El-Kébir vont amener les Allemands à revoir leur position et laisser au gouvernement de Vichy un certain potentiel défensif en lui permettant de conserver une force aérienne, dite armée de l’air d’armistice, qu’ils contrôleront soigneusement en gardant la main haute sur tout mouvement d’unité et de matériel et en réduisant à la portion congrue les heures d’entrainement permises aux pilotes.
Après une période de réorganisation, c’est au général Jean Romatet que le gouvernement de Vichy va confier la tête de l’armée d’armistice en le nommant chef d’état-major le 23 septembre 1940, le récompensant en lui attribuant une troisième étoile de général de division aérienne le 25 décembre 1940 et une quatrième de général de corps d’armée le 1er novembre 1942. Pour nombre de militaires de Vichy, l’idée est de maintenir le potentiel des forces armées en attendant des jours meilleurs et la reprise de la lutte... C’est ainsi qu’est créée l’organisation jeunesse et montagne, dont Romatet participe à l’inauguration de plusieurs centres, pour permettre de maintenir mobilisés nombre de cadres que l’armistice à privé d’emploi. Ces centres seront des viviers de recrutement pour la résistance.
Néanmoins, si cet état d’esprit est partagé par de nombreux cadres, la réalité est toute autre. Toute l’industrie aérienne française travaille pour l’occupant, le camouflage du matériel de l’armée de l’air est très limité et l’essentiel a été livré à l’occupant qui a pleinement réalisé son objectif de neutraliser le potentiel militaire aéronautique français. Qui plus est, l’armée de l’air d’armistice est amenée à défendre la Syrie qui est attaquée par les britanniques et les français libres en 1941. Battue malgré une supériorité numérique, elle n’a tiré aucune leçon tactique de la défaite de 1940. Mais plus grave, elle a combattu pratiquement en tant que cobelligérante avec l’Allemagne.
Cette compromission ne semble pas poser de problème au général Romatet qui se retrouve très éloigné d’un esprit de résistance à tel point qu’il étudie la création d’une « mini zone libre » près du port de Toulon quand les Allemands franchissent la ligne de démarcation après l’invasion de l’Afrique du Nord par les alliés en novembre 1942. L’aviation française aurait dû y garantir la neutralité de la flotte, mais comme aucun terrain d’aviation n’existant sur Toulon, l’armée de l’air aurait dû partager ses terrains avec la Luftwaffe et combattre aux côtés de cette dernière pour protéger une flotte que les alliés n’auraient pas manqué d’attaquer. Les évènements et le sabordage de la flotte en décideront autrement. L’armée de l’air est alors dissoute par les Allemands.
Le général Romatet tente alors de s’accrocher à son poste en cherchant à conserver ce qui peut l’être de l’armée de l’air et en revendiquant le fait de superviser sa démobilisation. Quand il constate que les Allemands n’ont que faire d’une armée française et ne veulent que se servir dans ses stocks et infrastructures, il se réveille et dans un sursaut d’orgueil donne sa démission en mars 1943 et est mis à sa demande en congé d’armistice, ne sollicitant aucun poste à Vichy. Quand surviennent les combats de la libération, il se met à disposition des FFI d’Auvergne le 18 août 1944... Deux jours après la fin des combats sur le secteur, comme le souligne malicieusement le chef FFI qui sur sa demande lui signe une attestation.
Le général Jean Romatet va alors chercher à retrouver un commandement dans l’armée de l’air en écrivant une longue lettre au ministre de l’air Charles Tillon au mois de septembre 1944. Résistant communiste de la première heure, le ministre lui oppose une fin de non-recevoir cinglante datée du 17 octobre 1944 et qui lui rappelle ses états de service :
"Quand les Allemands ont envahi la zone libre en 1942 les forces aériennes n’ont pas livré combat comme normalement cela aurait dû se produire. Le général Jannekeyn et vous, avez refusé de vous battre pour l’ennemi. Cela ne constitue pas un titre à l’admiration et à la reconnaissance de la France. Il aurait fallu se battre contre lui, vous avez transigé avec votre honneur militaire puisque vous n’avez pas combattu.
Vous avez collaboré par le fait de n’avoir pas envoyé en Afrique du Nord le matériel volant et le personnel naviguant. Vous avez manqué à votre devoir de chef en laissant surprendre par l’ennemi vos subordonnés, d’autant plus que vous aviez été averti par lui-même.
Vos matériels et vos installations ont été mis à sac et au pillage, cela prouve que les mesures conservatrices dont vous voulez tirer gloire n’avaient servi à rien. En présence de l’ennemi une seule règle est valable : COMBATTRE.
Jamais il n’est profitable au pays de se soumettre à la volonté de l’ennemi, c’est toujours déshonorant. L’ennemi avait raison de croire qu’il obtiendrait votre coopération militaire après tout ce que vous en aviez accepté depuis juin 1940. Il ne fallait vraiment pas être grand clerc pour comprendre que c’était son but."
La Haute Cour de Justice est saisie de son dossier et conclut par lettre du 30 octobre 1946 que son dossier ne contient pas de fait susceptible de l’inculper de poursuites pénales. Il ne sera de fait poursuivi pour faits de collaboration, mais la commission d’épuration de l’armée de l’air présidée par le général Cochet note « qu’il est regrettable qu’étant donné les postes occupés par cet officier général ce dernier n’ait pu entrer en rapport avec les différents mouvements de résistance. L’armée de l’Air, dit le général, servait non un gouvernement mais la France, donc même pas l’excuse de « fidélité au maréchal », la France seule. Or le général Romatet n’a rien fait, ni rien fait faire pour elle. »
En conséquence, après avoir été mis en disponibilité le 23 mai 1946, puis en congé du personnel naviguant le 23 novembre suivant, il est mis à la retraite d’office le 30 mai 1947 par décision du ministre de l’air. Le général Romatet va mener une longue bataille juridique contre cette sanction qu’il estime injustifiée et entamer en 1947 une action en justice qu’il perdra. Après de la loi d’amnistie du 6 août 1953, il va de nouveau solliciter sa réintégration dans les 2emes réserves de l’armée de l’air et une reconstitution de carrière pour voir sa solde augmentée… Nouveau recours qu’il perd en 1960. Multipliant les recours, les procédures ne s’éteindront qu’en 1973 par un arrêt du Conseil d’Etat lui donnant définitivement tort et le condamnant aux dépens. Membre de l’association des as et ignoré par ses pairs, il décèdera le 15 mai 1975 à l’âge de 82 ans.
Sources
- Presse de l’époque
- Site Mémoire des hommes
- Témoignage oral du capitaine Bouvarre