- Capitaine Georges Madon
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 12 mars 1913 (brevet n°231)
- Cité dans le communiqué aux armées du 2 février 1917
- Escadrilles SPA 38
- Né le 28/07/1892 à Bizerte (Tunisie)
- Mort le 11/11/1924 à Tunis (Tunisie) (Accident d'avion)
Décorations
- Officier de la Légion d’Honneur
- Médaille Militaire
-
Croix de Guerre
16 palme(s)
3 étoile vermeil
Profils
Georges Madon
Le baron rouge français
41 victoires sûres (dont 1 drachens), 64 victoires probables
Palmarès détaillé »
Georges, Félix Madon nait en 1892 à Bizerte dans une famille relativement aisée de colons : son père, originaire de Côte d’Or, est un ancien soldat du génie établi en Tunisie où il ouvre un restaurant à Tunis mais décède en 1898 alors que Georges n’a que six ans. Le jeune garçon va grandir à Tunis avec ses deux sœurs et se passionner pour le sport. Mais des crises de paludisme conduisent le jeune adolescent à interrompre ses études et à rester à la maison, d’où il s’évade en dévorant les revues techniques décrivant les exploits des premiers aviateurs. Sa décision est prise : il sera pilote. En 1911, arrachant à sa mère un séjour en France pour raisons de santé, il court s’inscrire à l’école de pilotage Blériot d’Etampes et obtient son brevet de pilote civil, à peine âgé de 19 ans. Il va alors tenter sans succès de gagner sa vie en se produisant dans des meetings et même en projetant de devenir mercenaire pour l’armée turque, avant de décider de devenir pilote militaire et de s’engager volontairement le 12 mars 1912.
Affecté au premier groupe aéronautique de Versailles, le chemin sera long avant qu’il ne puisse piloter un appareil. Il passera en effet six mois à peler les patates à la cantine avant d’être dirigé sur l’école d’Avord et obtenir son brevet militaire le 12 mars 1913, un an après son engagement. Pilotant un Blériot XI, il est ainsi un des rarissimes as de l’aviation à être déjà un aviateur confirmé au moment de la déclaration de guerre le 3 août 1914. Mais à cette date il n’est pas dans une unité en ligne… Car le 11 mars 1914, alors qu’il était affecté à l’escadrille BL 10 de Belfort, il n’a pas résisté au plaisir d’aller « narguer les boches » en allant effectuer des acrobaties au-dessus de l’Alsace allemande ! Après avoir été puni de 30 jours de prison, il est affecté aux deuxièmes réserves à l’arrière d’où les combats vont vite le faire sortir pour l’affecter à la nouvelle escadrille BL 30 à la fin du mois de septembre 1914.
Il va s’y distinguer en multipliant les vols de reconnaissance sur les lignes ennemies et en effectuant des réglages d’artillerie, n’hésitant pas à voler de nuit, ce qui lui vaut une première citation. Le 12 mars 1915 il est muté à l’escadrille MF 44 mais sa participation à cette unité sera des plus courtes, puisqu’il se pose par erreur en Suisse le 5 avril au cours d’un vol de convoyage d’un Maurice Farman MF XI, où il se perd dans le brouillard – ironie de l’histoire, il atterrit au bout d’un pré faisant frontière avec la France. Interné par la police Suisse, il va finir par fausser compagnie à ses geôliers après plusieurs tentatives infructueuses et regagner la France le 27 décembre 1915.
Si la presse célèbre son exploit, la hiérarchie militaire est moins souriante et l’aviateur au dossier disciplinaire assez chargé se fait reprocher d’avoir déserté… Affecté dans une escadrille de réglage d’artillerie, il part finalement à l’école de Pau au mois de mai pour y apprendre le pilotage des avions de chasse Nieuport. Il est alors muté le 1er septembre 1916 à l’escadrille N 38 stationnant au terrain de la Noblette, près de Mourmelon-le-Grand, où elle restera jusqu’au dernier été de la guerre. D’emblée, son caractère difficile lui vaut d’être rapidement peu considéré par ses camardes d’escadrille. Mais il ne va pas tarder à s’y faire un nom… Trois jours après son arrivée, il revendique un biplace allemand qui ne lui sera pas homologué. Celui abattu le 28 septembre le sera et son score va progressivement augmenter au point d’atteindre le total de 5 succès officiels le 31 janvier 1917, ce qui lui vaut les honneurs du communiqué aux armées.
Madon prend alors de l’assurance au point de défier en duel un as allemand connu localement, Hartmuth Baldamus, en jetant un message au-dessus des lignes invitant le pilote allemand à se rendre à 9 heures du matin à 5000 mètres au-dessus de la main de Massiges. Il n’aura pas l’honneur de rencontrer son adversaire, tué au combat le 14 avril 1917 après sa 18e victoire, mais va continuer d’augmenter régulièrement son propre score en atteignant le total de 19 succès officiels à la fin de l’année 1917, ainsi que plus d’une vingtaine de succès non-homologués. Bien que chef officiel de la SPA 38 soit le capitaine Colcomb, ce dernier vole peu et laisse la direction opérationnelle de l’escadrille à Madon qui se comporte en véritable chef de meute comme en témoignera dans ses mémoires le capitaine Armand Pinsard, venu remplacer temporairement Colcomb et qui aura bien du mal à imposer son autorité face à des pilotes ligués contre lui par Madon.
C’est durant la fin de l’année 1917 que le SPAD personnel de Madon prend une couleur rouge, d’une façon peu orthodoxe si l’on en croit le témoignage du mécanicien Benjamin Renard, affecté à l’escadrille SPA 94 partageant la même base : « Madon a fait peindre son avion en rouge petit à petit car le commandant Boucher [chef de l’aviation du secteur] interdisait ce symbole personnel. Il s’était fait peindre une bande rouge qui était tolérée… que son mécanicien agrandissait périodiquement. Elle a poussé plus vite que l’herbe au point d’arriver au bout du fuselage ! » Bien qu’aucune preuve photographique ne permette à ce jour de confirmer ce témoignage, le petit SPAD VII au fuselage rouge devient largement connu parmi les pilotes français de l’époque. Ainsi, Maurice Berton, pilote de SPAD biplaces de reconnaissance à l’escadrille SPAbi-140, décide de peindre en rouge l’avant de son appareil pour le personnaliser. Il est apostrophé par son chef d’escadrille : « Vous vous prenez pour Madon ? »
De l’autre côté des lignes, le SPAD rouge de l’as français es tout aussi célèbre… Werner Preuss, pilote allemand à la Jasta 66, se souvient d’un combat aérien le 3 juillet 1918 où avec quelques équipiers il est témoin d’un combat aérien entre le Fokker D VII de l’as allemand Ernst Udet, 2e as allemand de la guerre avec 62 victoires, qui ce jour-là est en difficulté car poursuivi par deux SPAD. Preuss reconnait l’avion d’Udet, peint en rouge avec le diminutif du prénom de sa fiancée, « Lo », sur le fuselage. Il vole aussitôt à son secours suivi des ailiers et descend un des français, puis accompagne Udet en se posant sur son aérodrome. Il a la surprise de voir le grand as allemand l’insulter pour lui avoir délibérément tiré dessus… et comprend qu’il s’agit de l’œuvre d’un de ses jeunes équipiers, le Leutnant der Reserve Lambert Schütt, qui avoue avoir tiré sur « un avion rouge, un français ». Preuss indique dans ses mémoires que Schütt « avait tellement entendu parler de l’avion rouge d’un as français que dans l’excitation du combat il n’a même pas fait attention aux marques de nationalité ».
Car en 1918, le score de Madon continue son envolée. Pilotant au mois de janvier un SPAD XII-Canon réservé aux as, il le fait entièrement peindre en rouge et remporte trois victoires à son bord, dont deux homologuées, avant de repasser en raison de problèmes mécaniques sur un SPAD XIII au fuselage également rouge. Prenant officiellement le commandement de la SPA 38 le 24 mars 1918, il signale ses victoires à ses retours de mission en tirant sur des petits bidons d’essence qu’il demande à son mécanicien à placer près du T de la piste d’atterrissage, les faisant ainsi flamber. Mais ce jeu pyrotechnique n’impressionne pas les services d’homologation, qui lui refusent la confirmation de nombre de ses revendications, ce dont il laisse percer son amertume dans ses mémoires dans lesquelles il ironise sur la facilité qu’ont certains pilotes, mieux considérés que lui, à se faire homologuer leur succès. S’il termine la guerre avec 41 victoires officielles, soit le 4e as français de la guerre, il compte selon ses notes 64 succès non homologuées, un record en la matière, ce qui en ferait le 2e meilleur pilote de la guerre, battu d’une courte tête par Fonck pour lequel on trouve 32 victoires probables à ses 75 succès officiels.
Nommé capitaine à titre temporaire à l’armistice, Georges Madon est bardé de décorations et a une croix de guerre longue comme le bras. Le pilote Gilbert Sardier se souvient de sa virée dans le Paris en liesse du 11 novembre 1918 où « on nous a un peu reconnus, car on portait nos décorations. La soirée fut chaude… Plus que chaude ! » Mais la reconversion dans le civil sera difficile. Après avoir tenté de monter une affaire d’aviation commerciale, il va ouvrir un garage à Paris puis en 1923 devient pilote d’essais à la société Simplex, mettant au point un avion sans queue qu’il ambitionne de faire participer à la coupe Deutch de la Meurthe. Mais un grave accident brise le prototype et Madon, sérieusement blessé, repart sur un nouveau projet privé visant à effectuer rien de moins qu’un tour du monde par étapes par une escadrille de trois chasseurs Gourdou, chacun étant entièrement peints d’une couleur du drapeau national. Il se réserve sans surprise le rouge… L’escadrille s’élance le 15 mars 1924 de Nice mais le tour du monde, après une première escale à Rome, va s’achever à Pantelleria où le Gourdou de Madon, victime d’un ennui mécanique, parvient à se poser d’urgence dans un champ rocailleux. Son équipier Emile Picard veut l’imiter, mais manque son atterrissage et le pilote est très gravement brûlé, défiguré par les flammes. Madon s’installe alors dans sa Tunisie natale après l’accident et demande à être réintégré dans l’armée, ce qui lui est accordé au 4e groupe d’aviation d’Afrique au mois d’avril 1924. Son avion rouge stocké dans son hangar impressionne les mécaniciens locaux… Mais comme Navarre, Madon va connaître un défilé militaire fatal : survolant le 11 novembre 1924 une cérémonie d’inauguration d’un monument dédié à Roland Garros, il est victime d’une vrille et s’écrase sur la terrasse d’un immeuble de Bizerte.
Sources
- Dossier individuel au Service Historique de la Défense, cotes 1P 29159/3 et 5YE 124.046
- Mémoires personnelles, conservées au Service Historique de la Défence, Cote Z (entrées extraordinaires)