- Capitaine Georges Guynemer
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 26 mai 1915 (brevet n°853)
- Cité dans le communiqué aux armées du 6 février 1916
- Escadrilles SPA 3
- Né le 24/12/1894 à Paris 16e
- Mort le 11/09/1917 à Poelkapelle (Belgique) (Mort en combat aérien)
Décorations
- Officier de la Légion d’Honneur
- Médaille Militaire
-
Croix de Guerre
25 palme(s)
Profils
Georges Guynemer
L’archange
53 victoires sûres, 35 victoires probables
Palmarès détaillé »
Georges, Marie, Ludovic, Jules, Guynemer est sans conteste le pilote français le plus célèbre de la première guerre mondiale, atteignant de son vivant une notoriété inégalée dans le monde entier. Il voit le jour le 24 décembre 1894 dans le 16e arrondissement de Paris et vient d’un milieu particulièrement aisé où se côtoie à la fois l’aristocratie et la grande bourgeoisie républicaine. Du côté de son père, c’est une famille de militaires, officiers de père en fils depuis les guerres napoléoniennes. Son père, Paul Guynemer est un St Cyrien ayant démissionné de l’armée pour vivre de ses rentes. Son grand père (Auguste Saint Ange), qui a servi en Algérie, a été sous-préfet. Du côté de sa mère, Julie Doynel de Saint Quentin, il s’agit d’une famille d’aristocrates fonciers – son oncle est le comte Louis Doynel de Saint Quentin, à l’époque député du Calvados.
Le jeune garçon va grandir dans un milieu privilégié, dans les châteaux de ses grands-parents paternels et maternels en Normandie. Il est instruit à domicile avec ses deux sœurs Yvonne et Odette par une préceptrice, puis à l’âge de neuf ans, entre au collège de la ville de Compiègne où sa famille vient de s’installer. A douze ans, Monsieur Paul Guynemer place son fils au lycée Stanislas de Paris, un établissement privé d’enseignement catholique à la discipline toute militaire qu’il a lui-même fréquenté, réputé pour ses préparations aux concours de Polytechnique et de Saint-Cyr. Le jeune garçon vit alors à Paris chez sa grand-mère maternelle, la comtesse Doynel de St Quentin. Il va se révéler assez doué à l’école, mais très turbulent. Sa scolarité est interrompue à plusieurs reprises par son état de santé et peut-être aussi par une première exclusion pour indiscipline, qui aurait été résolue par l’intervention discrète de sa grand-mère paternelle, bienfaitrice du collège… Il obtient son baccalauréat vraisemblablement en juillet 1913 et reste à Stanislas en année préparatoire à polytechnique. Un incident de trop met fin à sa scolarité : il gifle un professeur et se retrouve exclu de l’établissement. A 19 ans durant l’été 1914, Il se retrouve à se demander de ce qu’il va faire de sa vie et est en vacances à Anglet, près de Biarritz, quand éclate la première guerre mondiale.
Comme beaucoup de jeunes hommes de l’époque de son milieu, le jeune Georges Guynemer se présente spontanément à un bureau de recrutement pour s’engager, sachant qu’il n’a pas effectué son service militaire. Il est alors refusé par les médecins militaires, mais l’intervention de son père, qui a nombre de relations parmi ses anciens camarades de St Cyr, va permettre de contourner cet obstacle. L’engagement volontaire lui permet de choisir son arme : ce sera l’aviation, car comme nombre de garçons de son époque, il a été fasciné par les premiers appareils volants dont les journaux relataient les exploits. Il se retrouve alors à l’école d’aviation de Pau en novembre 1914, comme simple soldat affecté au service auxiliaire, apprenti-mécanicien, et doit effectuer diverses corvées sur la base. Le choc est rude pour le jeune homme qui se retrouve le seul soldat issu de la haute société parmi une chambrée de mécaniciens issus de milieux populaires. Mais Guynemer s’accroche, car passionné par l’aviation. Avec le piston des amis de son père, il obtient de passer élève-pilote au mois de décembre 1914 et effectue ses premiers vols à Pau au mois de mars 1915.
Sa compétence en pilotage n’est pas extraordinaire, néanmoins il obtient son brevet de pilote militaire à Avord le 28 mai 1915, et, nommé caporal, va se retrouver affecté en escadrille sur le front, la MS 3 dirigée par le capitaine Antonin Brocard qui stationne à Vauciennes (à 20 km de sa maison familiale de Compiègne). L’impression qu’il fait à son chef est très défavorable : il casse plusieurs appareils, Brocard veut le renvoyer mais le doyen des pilotes de l’escadrille, Jules Védrines (34 ans et célèbre pilote d’avant-guerre), pense pourvoir en tirer quelque chose et complète la formation de celui qu’il surnomme « le gosse ». Pris en main par Védrines, le jeune pilote s’améliore et réalise sa première mission sur le front, une reconnaissance, le 13 juin 1915 en tant que pilote de Morane Parasol emmenant un observateur. D’autres ont lieu les jours suivants, dans lesquelles il essuie des tirs de DCA qui trouent les toiles de son appareil. D’autres pilotes de son escadrille ont moins de chance : un premier mort est déploré le 19 juin quand un biplace rentre avec son observateur tué par le tir d’un avion allemand. La chasse, française comme allemande, est encore expérimentale mais l’escadrille MS 3, qui reçoit une poignée de Nieuport X, va progressivement se spécialiser dans cette tâche.
Sa première victoire aérienne de Georges Guynemer vient le 19 juillet 1915, quand il reçoit l’ordre de décoller pour aller intercepter un avion allemand signalé par des troupes françaises. Son Morane Parasol (n°376) a été équipé d’une mitrailleuse Lewis sur un affut mobile actionné par l’observateur qui, pour l’occasion, se trouve être son premier mécanicien, le soldat Charles Guerder. Ils parviennent à rejoindre l’avion ennemi, mais un enrayage oblige les deux hommes à laisser filer leur proie. Ils trouvent en revanche un autre appareil ennemi : Guynemer manœuvre adroitement pour permettre à Guerder de tirer efficacement, et celui-ci parvient à effectivement descendre l’ennemi, au Sud de Soissons, dans les lignes françaises. Guynemer se pose près des lignes françaises au plus près de sa victime et casse d’ailleurs son hélice sur un tas de foin en mettant son appareil à l’abri des artilleurs allemands. Des soldats français accourent et félicitent l’équipage vainqueur. Des officiers du régiment d’artillerie près duquel ils se sont posés les invitent au PC du régiment, où des sentinelles leurs présentent les armes et où le colonel, enthousiasmé, leur offre le champagne. A une époque où les victoires aériennes sont rarissimes les honneurs vont continuer de pleuvoir les jours suivants, et se termineront par la remise de la médaille militaire aux deux hommes par le général Dubois, commandant de la VIe armée, au cours d’une cérémonie où est présent Monsieur Paul Guynemer qui ne cache pas la fierté qu’il éprouve pour son fils. Cité à l’ordre de l’armée et promu sergent, Charles Guynemer a maintenant l’estime de ses pairs et va poursuivre ses missions sur Morane pendant l’été 1915, partant à l’attaque de plusieurs appareils allemands contre lesquels il échange des tirs sans résultat.
Le 16 août, la MS 3 migre à Breuil-le-sec à 10 km à l’ouest de Compiègne. C’est là que sont livrés en nombre au mois de septembre des Nieuport X à l’escadrille, dont certains sont transformés en monoplaces équipés d’une mitrailleuse fixe tirant au dessus du plan supérieur. Guynemer vole alternativement sur Nieuport et Morane, puis se voit affecter au mois d’octobre 1915 un nouvel appareil, le Nieuport X n°320 qui était auparavant la monture du sergent Armand Bonnard, muté fin septembre à Lyon où se constituait l’escadrille N 91 S à destination de Salonique pour secourir la Serbie. Il avait baptisé son appareil « Vieux Charles » pour une raison inconnue. Guynemer gardera le nom de baptême et le reportera sur tous ses autres appareils… C’est à bord du premier « Vieux Charles » qu’il va abattre 3 avions allemands au mois de décembre 1915.
Le 24 décembre 1915, le jour de ses 21 ans, il est fait chevalier de la légion d’honneur pour son 4eme succès. Sa vareuse porte désormais toutes les décorations françaises et il devient le meilleur chasseur des forces aériennes françaises du moment, à égalité avec Navarre. Cependant sa renommée reste alors limitée à son escadrille et quelques cercles d’aviateurs militaires. Un premier article paraît le 4 février 1916 à la une du Parisien (quotidien au plus fort tirage de l’époque), avec pour titre « Le vieux Charles », et racontant les exploits d’un certain G…, jeune pilote de 21 ans, titulaire de quatre victoires aériennes. Le journaliste ignore qu’il est en retard des dernières nouvelles, car la veille, le 3 février 1916, Guynemer va abattre lors d’une même mission deux avions ennemis, dont un lui est confirmée immédiatement.
Et c’est à ce moment que vient la célébrité, du fait d’une nouvelle pratique de l’armée : les pilotes ayant obtenu 5 victoires aériennes vont être nommément cités dans le communiqué aux armées, qui paraît tous les jours dans le journal officiel. Guynemer est le premier de 71 pilotes français à avoir cet honneur. Comme ce communiqué est la seule source d’information autorisée des journaux nationaux, ceux-ci vont alors s’emparer de la nouvelle. Des journalistes vont alors se précipiter pour interviewer sa grand-mère maternelle à Paris, qui se montre évidemment très fière de son petit-fils. Les articles sur le nouveau héros paraissent alors à la une de plusieurs quotidiens.
Guynemer va donc connaître une grande médiatisation de ses exploits militaires, qui va être relayée par un magazine spécialisé publié par le journaliste Jacques Mortane, « La guerre aérienne illustrée ». Mortane (Jacques Romatet, de son vrai nom), est un ancien journaliste sportif et va en quelque sorte inventer le terme d’as de l’aviation – un « as » désignait alors un champion dans le domaine du sport. Quand la revue est lancée le 16 novembre 1916, le premier aviateur à avoir l’honneur de voir son portrait sur le poster central détachable est bien évidemment Georges Guynemer, qui fera l’objet de plusieurs articles et interviews, contribuant à faire monter sa célébrité au summum et ce dans toutes les nations alliées. On a ainsi le témoignage au service historique de l’armée de l’air d’un traducteur à la mission militaire française de Roumanie, qui raconte l’avidité des aviateurs locaux à suivre les exploits du grand as dans la presse française. Des articles parlent de lui dans la presse anglo-saxonne dans le monde entier, jusqu’en Nouvelle Zélande.
Quand survient la bataille de Verdun le 21 février 1916, il est alors titulaire de 8 victoires aériennes et est envoyé sur le secteur le 12 mars où il est promu au grade de sous-lieutenant, mais va s’y trouver immédiatement blessé au bras et ne participera pas à la bataille, où va se distinguer un autre pilote qui va devenir « l’as des as » et braquer sur lui l’intérêt des journalistes, Jean Navarre. Guynemer va être soigné à Paris, suivi par les journalistes, et reprendre sa place au combat le mois de juin 1916 dans la Somme où est transférée son escadrille. Dans ce secteur est lancée une grande offensive franco-britannique où la chasse française, alors très supérieure à l’aviation allemande et même britannique, va obtenir de nombreux succès. Guynemer va vite dépasser le score de Navarre et redevenir l’as des as. Son tableau de chasse va monter à 30 victoires à la fin du mois de janvier 1917 ; durant ce séjour particulièrement victorieux sur la Somme durant lequel il est promu au grade de lieutenant le 31 novembre, il va toujours être équipé des meilleurs appareils en service : le Nieuport 17 à la fin du mois de juillet 1916, puis surtout l’exceptionnel chasseur SPAD VII au mois de septembre suivant dont il pilote un des tous premiers exemplaires envoyés au front. Équipé par un moteur Hispano-Suiza de 150 chevaux, il est nettement plus rapide que tous les avions allemands qu’il affronte ; il gardera toujours une avance technique sur l’aviation ennemie dans ses versions ultérieures. Guynemer va activement participer à la mise au point de l’appareil en entamant une longue et régulière correspondance avec son constructeur, Louis Béchereau, le directeur des usines SPAD. Sa tactique de combat est simple, voire simpliste et en tout cas assez dangereuse : tirer l’ennemi à bout portant, ce qui implique de s’exposer aux tirs défensifs du mitrailleur arrière dans le cas de l’attaque d’un biplace, qui constituent la majorité de ses proies. Guynemer aura ainsi son appareil endommagé plusieurs fois et sera lui-même descendu à quatre reprises par les appareils qu’il attaquait.
Au mois de février 1917, son escadrille, la SPA 3, est envoyée en « semi-repos » en Lorraine où il va remporter 5 autres victoires et recevoir ses galons de capitaine, puis va être envoyée au mois d’avril 1917 dans l’Aisne où va se dérouler l’offensive du Chemin des Dames lancée par le général Nivelle. En l’air l’aviation française bénéficie d’une supériorité numérique et technique sur l’aviation allemande et Guynemer va faire monter son score à 48 au mois de juillet 1917. Mais si les forces françaises sont victorieuses en l’air, au sol l’offensive s’est soldée par un sanglant échec à tel point que des mutineries commencent à apparaître dans l’armée française. La notoriété de Guynemer est alors appelée en renfort pour revigorer le moral de la nation gagnée par le doute : le 5 juillet 1917, il est décoré de la rosette d’officier de la légion d’honneur des mains du général Franchet d’Esperey, commandant du groupement d’armée nord, lors d’une importante cérémonie où de nombreuses troupes sont au garde à vous devant les caméras des actualités cinématographiques Gaumont – le film muet, que l’on peut facilement voir sur Internet, est alors diffusé dans tous les cinémas de France.
Suite à l’offensive du Chemin des Dames, l’armée française perd espoir de briser les lignes ennemies et cesse les opérations offensives… Mais le commandement britannique n’y a pas renoncé pour autant et lance une grande offensive dans les Flandres. Comme l’aviation britannique est en grand état d’infériorité face à l’aviation allemande, de nombreuses escadrilles françaises, dont l’élite de son aviation de chasse, sont envoyées dans les Flandres soutenir notre allié. Guynemer va alors combattre dans les Flandres et remporter 5 autres victoires sur un SPAD expérimental, le SPAD 12 armé d’un canon de 37 mm. Il remporte sa 53e et dernière victoire le 20 aout 1917 sur un des tout premiers SPAD XIII à deux mitrailleuses livrés au front, mais il est décrit à ce moment-là par de nombreux témoins comme étant particulièrement fatigué. Le 11 septembre 1917 a lieu son dernier vol où il est porté disparu aux commandes de son SPAD XIII n°504 ; très probablement abattu par le mitrailleur d’un avion biplace dont il n’a, par fatigue, pas voulu ou pu esquiver le tir.
C’est la consternation en France, et la nouvelle de sa mort va être confirmée par les autorités allemandes dont une patrouille de soldats a pu identifier le corps dans le no man’s land ; la zone sera ensuite prise à partie par l’artillerie anglaise et sa dépouille pulvérisée par les obus.
La chambre des députés va lui rendre hommage en votant à l’unanimité, et dans une ambiance survoltée, la pose d’une plaque au Panthéon. Son père va entretenir sa légende en demandant à Henri Bordeaux, un écrivain les plus lus de l’époque, d’écrire une biographie héroïque de son fils. L’ouvrage, devenu best-seller, va alors entretenir la légende et susciter nombre de vocations de jeunes pilotes, ayant la même influence que « Le grand Cirque » en a eu une vingtaine d’années plus tard.
Il faut souligner que la légende a éclipsé une réalité historique bien moins reluisante sur le caractère du jeune homme, assez égocentrique. Il considère ses mécaniciens comme des domestiques et est particulièrement dur avec eux ; il supporte également assez peu la concurrence au point de se lancer dans de très violentes disputes avec ses camarades d’escadrille qui lui contestent la paternité d’une victoire et tout particulièrement l’as André Chaînat qui doit quitter la SPA 3 suite à une telle dispute survenue lors du passage en Lorraine de l’escadrille. Très célèbre de son vivant, il a entretenu des liaisons avec plusieurs femmes lors de ses permissions à Paris, la plus célèbre d’entre elle étant l’actrice Yvonne Printemps.
Sources
Conférence de David Méchin sur Georges Guynemer :
https://www.youtube.com/watch?v=vJDaRosqErs
- Biographie détaillée : Article de David Méchin parue dans le Fana de l’aviation n°507 et 508 (février et mars 2012), "Guynemer, as à tout prix".
- JMO Escadrille SPA 3
- Carnets de comptabilité de campagne de l’escadrille SPA 3
- Témoignages oraux enregistrés au service historique de l’armée de l’air des aviateurs : Tarascon, Viguier, Delporte, Heurtaux, de Forceville.
- La guerre aérienne illustrée, divers numéros.
- Archives départementales de l’Oise.
- "Les Cigognes, de Guynemer à Fonck" par René de Chavagnes, 1919.
- "La vie héroïque de Guynemer" par Henry Bordeaux, 1919.
- "Guynemer, l’ange de la mort", par Jules Roy, 1986.