- Lieutenant Jacques Favre de Thierrens
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 12 mai 1916 (brevet n°3398)
- Cité dans le communiqué aux armées du 0000
- Escadrilles SPA 62, F 215
- Né le 18/02/1895 à Nîmes (Gard)
- Mort le 17/10/1973 à Paris (Mort naturelle)
Décorations
- Chevalier de la Légion d’Honneur
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Croix de Guerre
6 palme(s)
1 étoile vermeil
Jacques Favre de Thierrens
6 victoires sûres, 1 victoires probables
Palmarès détaillé »
Jean, Paul, Jacques (son prénom d’usage) Favre de Thierrens nait le 18 février 1895 à Nîmes, dans une famille de la grande bourgeoisie protestante disposant de confortables revenus fonciers venant d’une grande propriété viticole gardoise. Le jeune homme peut entreprendre des études et obtient les deux parties de son baccalauréat. Il se destine à une carrière artistique et parvient à être admis à l’école des beaux-arts de Paris. Il s’installe alors dans la capitale pour y étudier, partageant un appartement dans la rue Claude Bernard (5e arrondissement) avec son cousin William Hérisson, futur as et lui aussi étudiant.
Il est encore étudiant quand survient la guerre et n’a pas pu effectuer son service militaire. Plutôt que d’attendre son appel il décide de s’engager volontairement dans l’armée le 10 décembre 1914 et se retrouve incorporé comme simple soldat au 38e régiment d’artillerie de Nîmes. Il va combattre un court moment avec son unité en Argonne, avant d’être admis à un cours d’élèves-officiers dont il ressort avec le grade d’aspirant pour être réaffecté en 1915 au 32e régiment d’artillerie stationné dans les Flandres. Six mois plus tard, après s’est porté volontaire pour l’aviation, il est dirigé vers les écoles de pilotage à la fin de l’année 1915.
Il en ressort breveté et affecté le 3 août 1916 à une section de réglage d’artillerie lourde sur Farman F 40, la SAL F 215, qui participe à la bataille de la Somme. Promu sous-lieutenant en septembre, il échappe de peu à la mort le 7 octobre 1916 quand un obus d’artillerie traverse son appareil sans exploser. Il parvient à revenir avec son appareil qui ne tient plus que par miracle et se brise au moment d’atterrir. Tombé malade au début de l’année 1917, il est muté dans la chasse le 21 janvier 1917 et part se former à l’école d’acrobatie de Pau.
Il se retrouve affecté au terme de ce stage à l’escadrille N 62 du capitaine François Coli le 26 mars 1917, dite escadrille des coqs de combats alors stationnée à Fismes-la-Cense dans la Marne. Surnommé « Favre le rouge » par ses camarades en raison de son pull-over de couleur écarlate qu’il arbore constamment, il va d’abord se cantonner aux missions de longue reconnaissance qu’il effectue aux commandes d’un des Sopwith 1A2 de l’escadrille, qui déménage à Saconin-Breuil dans l’Aisne à partir du 8 mai 1917. Mais il prend également les commandes d’un chasseur SPAD VII, dont certains exemplaires sont équipés d’appareils photos pour les reconnaissances. C’est à bord de l’un d’eux qu’il est blessé dans un combat aérien le 18 août 1917, lors d’une telle mission. Le 21 octobre 1917, ayant accumulé nombre d’heure de vol et une certaine expérience en combat, il parvient à abattre sa première victoire homologuée en collaboration avec un équipier. Il en remportera cinq autres dans les nombreux combats que mènera la SPA 62 jusqu’à l’armistice, étant blessé à deux reprises et promu au grade de lieutenant au mois de septembre 1918.
Toujours sous le coup de son engagement, il reste à la SPA 62 en 1919 qui stationne désormais en Allemagne occupée. Sa vie privée prend un tournant le 27 janvier 1920 puisqu’il se marie à l’église protestante de Belfort avec Mlle Anne-Marie Stein, une fille d’industriel. Ses témoins sont deux as de l’aviation : le commandant Massenet Royer de Marancour (8 victoires) et son cousin le lieutenant William Hérisson, qui a terminé la guerre avec 11 victoires homologuées.
Mais les 1 010 heures de vol cumulées lors de la campagne ont un prix : sa santé est atteinte et des problèmes cardiaques vont se manifester, rendant difficilement supportables les vols en altitude. Il quitte alors l’armée et se retire à la vie civile, fondant une famille qui voit la naissance de deux enfants. Il a pour vivre les revenus de son grand domaine viticole et se déclare « propriétaire » dans ses documents militaires datant de l’année 1925, vivant alors à Nîmes au 2 place Questel.
En 1928, ses problèmes de santé sont résolus, et écrit au ministre pour reprendre sa place dans le personnel naviguant de l’armée de l’air en tant qu’officier de réserve, alors qu’il n’a plus volé depuis une dizaine d’années. Son passé d’as de guerre lui permet d’obtenir satisfaction le 19 octobre de cette année : il est particulièrement bien noté par sa hiérarchie qui souligne son grand sens du commandement et ses qualités d’organisateur. On le retrouve en 1932 dans le 7e art puisqu’il dirige l’équipe du film « Panurge » et est mentionné dans plusieurs publications traitant du cinéma. Parallèlement à son activité professionnelle, il poursuit sa carrière d’officier de réserve en l’orientant vers le travail d’état-major, ce qu’il va faire avec une application particulière qui lui vaut à plusieurs reprises les félicitations du ministère de la guerre. En 1936, il effectue un stage à l’état-major de la 2e région aérienne, au 2e bureau, et s’intéresse aux questions du chiffrage des communications. En 1938, alors qu’il vit partage son temps entre sa propriété à Nîmes et son appartement parisien du 3 rue de Matignon, il entre à l’école supérieure de la guerre aérienne et en ressort breveté le 28 octobre, étant classé premier de sa promotion.
Ce diplôme lui vaut d’être classé officier d’état-major de 2e bureau et lui permet une promotion au grade de commandant de réserve le 28 décembre 1938. C’est dans ce grade et cette spécialité qu’il est mobilisé en 1939, en même temps que le frappe un drame personnel avec le décès de son épouse.
Quand les troupes allemandes envahissent le pays, il est officier supérieur de liaison du Groupement de Chasse n°21 auprès de l’Etat-Major de Paris et évacué vers Toulouse avec son service durant la débâcle. Recherché en zone nord par les troupes allemandes du fait de sa fonction, il est maintenu le 29 juin 1940 dans l’armée d’armistice au 2e bureau de l’état-major de la 2eme région aérienne. Il est affecté dans la base principale des Hautes-Pyrénées d’où il s’occupe des questions de sécurité militaire de l’air sur la zone sud, chargé notamment d’y traquer les espions allemands.
L’armée d’armistice ne pouvant officiellement avoir de service secret, il est officiellement démobilisé le 28 février 1941 sur la base de Toulouse-Francazal. Il va cependant continuer officieusement son travail pour le compte du service de renseignement clandestin de l’armée commandé par le capitaine Paillole, en entrant à la légion des combattants, où il va diriger un service de fichage des « éléments antinationaux » d’où qu’ils viennent : gaullistes, communistes, francs-maçons, mais aussi les ultras de la collaboration avec l’Allemagne. Comme en témoignera un des agents de son service, le jeune François Mitterand, ce sont surtout ces derniers qui ont la faveur du fichage tandis que de fausses informations sont rédigées sur les sympathisants de la lutte contre l’Allemagne. Le futur Président de la République témoignera ainsi : « J’étais un petit scribouillard. Je faisais des fiches sur les communistes, les gaullistes, et ceux qui étaient considérés comme antinationaux. Favre de Thierrens m’a mis dans le coup. Il s’agissait avant tout de ne pas dire. Je me demande ce qu’on pouvait faire des dossiers et fiches qu’il envoyait. Ce qui était amusant c’est que tout était trafiqué. Favre passait son temps à éructer contre Vichy. Lié à l’armée, c’était un séducteur, un fou sympathique. »
Le commandant Favre de Thierrens travaille en fait pour les éléments résistants de l’armée de Vichy et il va rejoindre la résistance Giraudiste après l’invasion de la zone sud, échappant de peu à deux reprises aux coups de filets de la Gestapo. A la libération, il est à Toulouse et devient le 7 août 1944 officier de liaison pour les FFI locaux. Dès la libération de la capitale, il est affecté au mois de septembre 1944 à la direction de la sécurité militaire de Paris. L’armée de l’air reprend possession de ses bureaux historiques et au mois de janvier 1945 Favre de Thierrens est affecté à l’état-major guerre au 5e bureau, section air, étant de plus promu au grade de lieutenant-colonel le 22 mars 1945. En récompense pour ses actions dans la résistance, il sera nommé en 1946 commandeur de la légion d’honneur et croix de guerre 39-45 avec palme, pour avoir « rendu bénévolement et pendant de nombreuses années les plus éminents services en participant activement à la lutte contre l’espionnage. N’a pas hésité durant l’occupation à compromettre sa sécurité personnelle et ses biens pour poursuivre sa mission et sauvegarder ses archives secrètes. A fait preuve en toutes circonstances d’un dévouement absolu et d’un courage à toute épreuve. »
Colonel de réserve, il entame une nouvelle période de sa vie en devenant un peintre réputé de paysages provençaux et de nus féminins, exposant ses œuvres dans toute la France jusqu’aux États-Unis. Il est décédé le 17 octobre 1973 et le Président Mitterrand lui rendra hommage dans le célèbre entretien qu’il donne à la bibliothèque Médicis du 12 septembre 1994 au journaliste Jean-Pierre Elkabach, se souvenant de sa vie au centre de documentation de la légion des combattants : « Le responsable de ce service était un personnage haut en couleurs, qui a commencé par me dire : « Surtout, si vous venez chez moi, il faut faire le contraire ! » Son nom, Favre de Thierrens, qui un peu plus tard s’est retiré plus tard dans son pays près de Nîmes, où il est devenu un peintre très estimé, et un résistant très respecté. »
Sources
- Dossier individuel SHD n°1P 30 609/4