- Sous-lieutenant René Dorme
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 5 juin 1915 (brevet n°1046)
- Cité dans le communiqué aux armées du 24 août 1916
- Escadrilles SPA 3, N 95, C 94
- Né le 30/01/1894 à Eix-Abaucourt (Meuse)
- Mort le 25/05/1917 à Environs de Reims (Disparu en combat aérien)
Décorations
- Chevalier de la Légion d’Honneur
- Médaille Militaire
-
Croix de Guerre
17 palme(s)
Profils
René Dorme
Le Père Dorme
23 victoires sûres, 32 victoires probables
Palmarès détaillé »
René Gaston Marie Dorme naît le 30 janvier 1894 dans la commune d’Eix Abaucourt (Meuse) dans une famille de la classe moyenne provinciale dont le père est chef de gare. Ses parents sont quadragénaires et le tout jeune René tient de l’enfant du miracle, venu au monde longtemps après deux grandes sœurs mais surtout un an et demi après un frère décédé en bas-âge. Choyé, il gardera toute sa vie une affection fusionnelle pour ses parents qu’il appelle affectueusement « mes vieux parents » dans ses écrits. La famille s’installe quelques années plus tard à Briey où son père a obtenu une mutation, qui se trouve à quelques kilomètres de la frontière allemande de l’époque de la Lorraine annexée. Grandissant dans un milieu catholique et patriote, il se montre particulièrement doué à l’école puisqu’il obtient son certificat d’études et se retrouve employé chez un avoué de Briey qui le prend en affection en l’invitant à la chasse et l’initiant à la mécanique en lui permettant de conduire et d’entretenir sa voiture.
Le jeune homme envisage d’entreprendre des études de droit mais doit s’acquitter de son service militaire, qui s’effectue à l’âge de 20 ans. Il décide de devancer l’appel en s’engageant pour une durée de 3 ans en 1912, se retrouvant affecté au 7e groupe d’artillerie à pied à Bizerte en Tunisie où son niveau d’éducation lui permet rapidement de prendre du galon et d’être nommé au grade de maréchal des logis.
C’est dans cette position qu’il se trouve quand éclate la guerre. En tant que gradé, son travail consiste à veiller à la distribution d’effets militaires aux mobilisés qui affluent au camp, un travail qu’il qualifie de « garde-mite » et qui ne lui plaît guère à ce qu’il en écrit à ses parents dans ses lettres quotidiennes. Mais celles-ci ne tardent pas à rester sans réponse : la ville de Briey a été occupée par les troupes allemandes et ses parents sont désormais aux mains de l’envahisseur. Il n’aspire dès lors qu’à aller combattre en France et se porte volontaire pour l’aviation où il est accepté en en décembre 1914, retournant en France à Lyon où il est en fait désigné pour faire de l’instruction à de jeunes recrues. Il finit par gagner le centre d’aviation de St-Cyr (Versailles) en janvier 1915 près du domicile de la sœur où finalement le mois suivant il part en école de pilotage à Buc sur Caudron G.3. Après un passage à l’école de Pau, il rendre à St-Cyr passer les épreuves du brevet et a la joie de retrouver ses parents chez sa sœur, qui ont été expulsés en France par les Allemands, dépossédés de tout biens.
Dès lors, pour Dorme, la guerre va prendre plus encore la tournure d’une vendetta personnelle contre les Allemands. Breveté en juin 1915, il est affecté non sur le front mais à l’escadrille C 94 du Camp Retranché de Paris, une affectation qu’il déplore car très éloignée du danger mais qui aura l’avantage de lui permettre de s’aguerrir au pilotage. Basé au Bourget, et promu au grade d’adjudant il va décider d’aller croiser le fer avec l’ennemi en organisant de son initiative un raid sur le front de manière tout à fait clandestine le 21 juillet 1915 avec son ami et futur as Guiguet. Le 3 avril 1916, en faisant un crochet sur le front à bord de son Caudron G.4, il aperçoit un avion ennemi que son mitrailleur tire. Si la victoire n’est pas confirmée, il sera en revanche cité et obtiendra la mutation dans la chasse, intégrant la célèbre escadrille N 3 sur le terrain de Cachy le 27 juin 1916 où se bat déjà son ami Guiguet.
René Dorme va s’y révéler d’emblée comme un chasseur de tout premier ordre en remportant sur son Nieuport 16 une victoire homologuée dès le 9 juillet 1916, soit 12 jours après son arrivée. Il en remportera de nombreuses autres sur la Somme en battant tous les records de progression (cité au communiqué du 24 août 1916 pour sa 5e victoire) puisque son tableau de chasse se monte à la fin de l’année 1916 à 16 victoires homologuées et 18 probables – de nombreux succès ne lui sont pas confirmés car il n’hésite pas à aller débusquer l’ennemi chez lui et à l’abattre loin du regard des lignes françaises et des témoignages nécessaires aux homologations. Peu lui importe car il attache plus d’importance de tuer des Allemands, même si toutefois on devine qu’il ambitionne de dépasser le score de l’as de as Georges Guynemer qui vole dans son escadrille, et qu’il peste contre le fait d’avoir eu très tardivement la croix de la légion d’honneur (le 13 octobre, après sa 14e victoire). En effet, issu d’une famille de petits fonctionnaires, il ne fait pas partie du « monde » et ne se mélange d’ailleurs pas avec les as officiers de son escadrille (Guynemer, Heutaux, Deullin, De la Tour) qui constituent le club de « la bande noire ». Dorme n’y est pas invité malgré son palmarès ; il est de plus le dernier servi pour se faire affecter un SPAD VII qui sont livrés à la N 3 dès septembre 1916 et vole jusqu’à la fin de l’année sur son Nieuport 17 baptisé « Père Dorme » et décoré d’une croix de Lorraine verte.
Dorme va être contraint à un repos forcé en décembre 1916 après une blessure au bras. Il apprend à sa grande joie sa promotion au grade de sous-lieutenant en janvier 1917 et reprend la lutte en février 1917 sur un SPAD qu’il a enfin pu se faire attribuer, la N 3 étant désormais basé à Bonnemaison dans la Marne, en prévision de l’attaque du Chemin des Dames. Il améliore son tableau de chasse d’une 17e victoire homologuée contre un biplace capturé dans les lignes françaises et dont l’équipage blessé est fait prisonnier. Dorme se montre impitoyable avec le pilote ennemi qu’il va visiter à l’hôpital : « Mon prisonnier m’a demandé de jeter chez lui un bout de papier pour prévenir qu’il n’était que blessé, mais il peut [CENSURÉ] et ses parents peuvent bien rester sans nouvelles. Les parents français souffrent assez à cause d’eux. Je garderai son papier comme souvenir. » Recevant en mai un des premiers SPAD VII à moteur surcompressé de 180 ch, il disparaît le 25 mai 1917 lors de sa 3e mission de la journée en fin d’après-midi, dans des circonstances inconnues.
En 623 heures de vol sur l’ennemi et 120 combats, René Dorme a obtenu 23 victoires homologuées et 32 probables notées dans le journal de marche de son escadrille. Son score réel est sans doute supérieur, puisque 20 se vérifient avec un degré raisonnable de certitude dans l’examen des archives allemandes, et il reste des doutes pour une vingtaine d’autres où des équipages allemands sont effectivement blessés sans que soient notés le lieu des combats. Malgré tous ses succès qui l’ont porté à son époque à la 3e place des as de la chasse française derrière Guynemer et Nungesser (voire 2 place en comptant ses victoires probables), René Dorme n’obtiendra cependant jamais la célébrité post-mortem de ces deux derniers.
Sources
- Biographie détaillée "Dorme, un as méconnu" paru dans le Fana de l’aviation n°562 (septembre 2016) - article de David Méchin