- Lieutenant Benjamin Bozon-Verduraz
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 19 janvier 1916 (brevet n°2437)
- Cité dans le communiqué aux armées du 14 octobre 1918
- Escadrilles SPA 3, SPA 94
- Né le 29/05/1889 à Saint-Etienne-de-Cuines (Savoie)
- Mort le 21/06/1942 à Chambéry (Savoie) (Mort naturelle)
Décorations
- Chevalier de la Légion d’Honneur
-
Croix de Guerre
7 palme(s)
3 étoile vermeil
Profils
Benjamin Bozon-Verduraz
11 victoires sûres, 1 victoires probables
Palmarès détaillé »
Jean Séraphin Benjamin (prénom d’usage) Emmanuel Bozon-Verduraz naît le 29 mai 1889 dans la commune savoyarde de Saint-Etienne de Cuines, où son père, futur Maire du village, est le plus grand notable de la vallée de la Maurienne puisqu’il y possède une importante fabrique de pâtes très moderne fonctionnant grâce à l’électricité produite par une centrale construite sur la rivière voisine. Le jeune Emmanuel va grandir dans un milieu très privilégié en compagnie de son frère cadet Léon, et va bénéficier tout comme ce dernier d’une éducation soignée qui lui permet d’obtenir son baccalauréat ès sciences, puis d’être diplômé de l’école des hautes études de commerce.
Destiné à succéder à son père dans l’exploitation familiale, il doit partir au mois d’octobre 1910 effectuer son service militaire au 11e régiment de dragons de Belfort, qu’il quitte deux ans plus tard avec le grade de maréchal des logis. Retournant à St-Etienne de Cuines seconder son père, la déclaration de guerre le rappelle sous les drapeaux deux ans plus tard et il est mobilisé au 9e régiment de hussards de Chambéry. Il va combattre avec son unité dans les Vosges, les Flandres puis la somme au début de l’année 1915 avant de participer à la bataille de Champagne au mois de septembre de cette année. Le régiment y combat à pied avec des pertes sensibles, et dans doute pour sortir de la guerre des tranchées qui rend la cavalerie obsolète Benjamin Bozon-Verduraz se porte volontaire pour l’aviation où il est accepté le 24 septembre 1915.
Il en ressort breveté et se retrouve affecté à l’escadrille C.11 sur Caudron G.4 le 10 mars 1916, en pleine bataille de Verdun. Il va y effectuer de nombreuses missions de réglage d’artillerie dont l’une se termine mal le 12 mai 1916 quand son Caudron s’écrase lourdement au sol, lui occasionnant un tassement des vertèbres qui va le poursuivre toute sa vie durant avec des douleurs qui vont aller en empirant. Il continue dans l’immédiat ses missions qui l’amènent à effectuer de nuit des bombardements de gares alors que la C 11 a été déplacée sur la Somme. Promu au grade d’adjudant en novembre 1916, il se bat en Lorraine au début de l’année 1917 avec son escadrille qui est envoyée sur le secteur du Chemin des Dames en avril.
Il va quitter la C 11 au mois de mai 1917 pour être instruit au pilotage d’avions de chasse, puis va être affecté dans l’Aisne à la prestigieuse escadrille d’élite de la chasse française, la SPA 3 où vole l’as des as Georges Guynemer. L’examen du journal de marche de l’escadrille montre l’agressivité au combat de Benjamin Bozon-Verduraz : volant fréquemment deux missions par jour, il multiplie les accrochages avec l’aviation ennemie. Il est d’abord affecté aux patrouilles basses réservées aux débutants et devant servir d’appât à la chasse allemande, mais dès la fin du mois juillet il vole dans les patrouilles hautes. Promu au grade de sous-lieutenant le 11 juillet 1917, il gagne la confiance de Guynemer alors que la SPA 3 gagne les Flandres. Ce dernier le prend comme équipier lors de plusieurs missions dont celle du 11 septembre 1917 où Guynemer disparaît au combat en attaquant un biplace alors que Bozon-Verduraz faisait face à des chasseurs ennemis. Brocard, le commandant du GC 12 auquel est rattachée la SPA 3, va avoir des mots très durs contre Bozon-Verduraz, à ce qu’en rapporte un témoin, le pilote André Dezarrois : « Guynemer n’est pas là. Pourquoi rentrez-vous ? » Il témoigne également : « Je me suis demandé si, dans les semaines qui suivirent, il n’a pas cherché à se faire tuer au combat, après une période de prostration qui le laissa comme écrasé. » Alors que la mort de Guynemer est confirmée par les Allemands, un camarade d’escadrille, l’as Risacher décrit Bozon-Verduraz comme un pilote « prenant des risques insensés » pour tenter de se racheter.
A cette époque, un grave drame de guerre touche toute sa famille le 12 décembre 1917 quand a lieu dans la vallée de la Maurienne la plus terrible catastrophe ferroviaire survenue sur le territoire français à ce jour : un train de permissionnaires de l’armée d’Italie, surchargé par négligence de l’officier chargé du trafic, déraille à très grande vitesse dans une pente et cause plusieurs centaines de morts. L’usine de pâtes alimentaires Bozon-Verduraz, toute proche de l’accident, est alors transformée en poste de secours et en chapelle ardente – on amène près de 200 corps dans la grande salle des machines de l’usine.
C’est au début de l’année 1918 que Benjamin Bozon-Verduraz va remporter ses premières victoires aériennes confirmées, 3 appareils ennemis abattus en quelques jours d’intervalle les 16, 17 et 20 février 1918. Au moment des offensives allemandes du printemps 1918 il en remporte 5 nouvelles en avril et mai, avec une tactique toute simple : approcher à bout portant et tirer, quitte à soi-même revenir criblé de balles… Il va quitter la SPA 3 le 1er juillet 1918 pour prendre le commandement avec le grade de lieutenant de la SPA 94, une unité intégrée au GC 18 et à la Division Aérienne, et à la tête de laquelle malgré de fortes douleurs au dos il va remporter 2 autres victoires portant son total à 10, qui lui vaut l’honneur de voir son nom mentionné dans le communiqué aux armées du 14 octobre 1918. Une victoire en date du 3 octobre 1918, bien qu’elle n’apparaisse ni dans le journal de marche de l’escadrille SPA 94 ni dans celui de la Division Aérienne, lui sera en outre homologuée tardivement, portant son total final à 11.
Peu après l’armistice il quitte la SPA 94 pour se faire hospitaliser en raison de ses douleurs lombaires, dont il ressort en étant classé inapte au service et muni d’un appareil orthopédique qu’il va garder pendant sept ans. Il sera officiellement démobilisé en 1919 et reviendra seconder son père à la tête de la société familiale qui va s’agrandir et ouvrir de nouvelles usines en France. Sous son impulsion la société réalise au début des années 1920 une campagne publicitaire efficace en mettant en avant sa marque-phare, les « Pâtes la lune », faisant imprimer le logo dans nombre de journaux d’époque et en mettant une image à collectionner dans chaque paquet de pâtes, images ayant pour thème l’armée ou l’aviation. La marque offre aussi des cadeaux publicitaires aux consommateurs collectionnant les coupons qu’ils trouvent dans chaque paquet de pâtes.
En 1925 son père décède et il prend sa suite à tête de la société tout comme à la mairie de St-Etienne de Cuines. Il se révèle comme un patron assez peu social car de nombreuses grèves agitent ses usines où les salaires sont particulièrement bas, même comparativement à ceux payés dans le secteur alimentaire. Se remettant à piloter un avion de tourisme, il devient président de l’aéro-club des Alpes en 1928. La crise de 1929 va toucher durement sa société dont il perd le contrôle en 1932, rachetée par un consortium d’actionnaires. Il tente de recréer une nouvelle affaire de fabrication de vente de produits de petit-déjeuner, mais celle-ci est mise en faillite l’année suivante.
Quand éclate la guerre, il est mobilisé sur la base de Bordeaux avec son grade de commandant de réserve, mais à titre sédentaire car il a été classé inapte définitif au personnel naviguant en 1936. Il doit être hospitalisé en avril 1940 pour ses problèmes lombaires récurrents et verra l’effondrement de la France de son lit d’hôpital, dont il ne sort qu’au mois d’août 1940 pour se retirer à St-Etienne de Cuines. Sa santé se dégrade et il décède un an et demi plus tard, le 21 juin 1942, à l’hôpital de Chambéry.
Sources
- Dossier individuel SHD n°1 P 26 298/6.
- Presse de l’époque (Gallica)